Apprendre à souffrir (et à ressusciter)

Comment traverser les crises et retrouver du sens

Cher lecteur,

Dans Skyfall (2012), l’antagoniste Raoul Silva interroge James Bond :

  • Tout le monde a un hobby. Quel est le tien ?
  • La résurrection, répond Bond, laissé pour mort dès les premières minutes du film.

Cette réplique d’anthologie nous éclaire sur un point : contrairement aux apparences, 007 n’est ni infaillible, ni invulnérable.

Son vrai superpouvoir, c’est la résilience.

Un mot à la mode, qui désigne en premier lieu une propriété physique : celle de retrouver sa forme d’origine après un choc.

Vous vivrez plus de bouleversements que vos grands-parents

Notre quotidien est moins rude que celui de nos grands-parents.

Pourtant, même si ça semble contradictoire… Il est probable que nous traverserons plus d’épreuves qu’eux – mais de nature différente.

La raison est simple – le monde change à une vitesse exponentielle :

  • On change davantage d’emploi qu’avant. L’époque où l’on faisait toute sa carrière dans la même entreprise est révolue : des pans entiers de l’économie s’écroulent, d’autres émergent et croissent à toute vitesse.
  • On déménage plus qu’avant. La fracture entre la France des métropoles et la « France périphérique » des Gilets jaunes s’aggrave un peu plus chaque année. Les départements ruraux se vident et les villes se densifient.
  • On divorce plus qu’avant : environ un mariage sur deux finit en divorce. Nous vivons plus de relations amoureuses que les générations précédentes, ce qui implique davantage de séparations dont il faut se remettre.
  • On vit plus longtemps, mais les maladies de civilisation explosent. Il est probable qu’au cours de votre vie, vous soyez confronté à des maladies lourdes ou chroniques avec lesquelles il faudra apprendre à vivre – ou contre lesquelles il faudra lutter de toutes vos forces.

En somme, il faut sans cesse se réinventer. Comme Bond, apprendre à ressusciter.

Les occurrences uniques ont disparu.

Une même épreuve peut s’affronter deux, trois, quatre fois… et vous devrez vous relever à chaque fois. 

Mike Tyson vient pour vous casser la tête

Le quotidien est plus doux, disais-je, mais les occasions de souffrir ou de se battre sont plus nombreuses.

Cela signifie que vous devez vous blinder, même si les occasions quotidiennes d’éprouver la rudesse du monde (et donc, de vous endurcir) sont moins nombreuses.

C’est un peu comme si, au lieu de faire des matchs de boxe toutes les semaines contre un adversaire moyen, vous deviez affronter Tyson plusieurs fois dans l’année… sans qu’on vous prévienne avant.

Vous serez nettement moins préparé, mais l’épreuve sera plus violente.

Et elle se présentera plusieurs fois, sans qu’entretemps vous ayez pu progresser.

C’est le dilemme de notre siècle : les défis sont nombreux, mais il n’est pas facile de s’y préparer. D’où l’intérêt d’avoir un protocole de résilience.

Les habitudes qui sauvent la vie

Il m’est arrivé de déprimer après une séparation, ou de ne plus dormir pendant des jours suite à l’annonce d’une maladie chez un proche.

Il m’est arrivé de me laisser aller. De passer des semaines dans la vague, à me ramollir et tout laisser tomber.

Mais au fil du temps, j’ai appris qu’il fallait regarder le mal dans les yeux, et mettre ses tripes sur la table.

Peu à peu, j’ai pris des habitudes pour faire face aux épreuves de la vie.

Il y a celles du quotidien, que vous connaissez : je vous ai suffisamment parlé de douches froides, de séances de sport, de sessions de lecture…

Mais il y a aussi le protocole de sortie de crise.

Des habitudes encore plus rudes que je réserve aux semaines qui suivent une mauvaise nouvelle, pour éviter de flancher.

Comment réagir face à une rupture, un décès ou une maladie

C’est dans ces moments-là qu’il faut faire preuve d’antifragilité. Utiliser la crise pour s’endurcir, et ce pour deux raisons :

  • Préparer les crises suivantes en se renforçant encore plus qu’à l’accoutumée
  • S’occuper pour éviter de penser en boucle et de dépérir

Aussi, quand je traverse une épreuve, voici quelques habitudes que j’adopte :

  • 2 douches froides par jour, une au lever et une avant le coucher. Ce sont les balises qui marquent l’entrée et la sortie de chaque journée.
  • Des périodes de jeûne plus intenses que d’habitude. Si vous avez l’estomac noué à cause d’une épreuve, profitez-en pour réaliser un vrai protocole de jeûne, avec descente et remontée alimentaire, et purifier votre organisme.
  • L’apprentissage rigoureux d’une nouvelle discipline. Toute la rage, le sentiment d’injustice et l’énergie du désespoir vont vous ronger si vous n’en faites rien. Mettez cette énergie à profit pour devenir l’expert d’un sujet qui vous intéresse, lire tout ce qui se fait à ce sujet, regarder des conférences… Il vous faut une obsession saine sur laquelle focaliser votre attention. Par exemple, il m’est arrivé de passer des semaines à me documenter sur les états de conscience altérée, les expériences de mort imminente, la neurologie… simplement pour oublier une épreuve douloureuse.
  • La course à pied 3 à 4 fois par semaine. Je n’ai pas de prédilection pour ce sport, mais c’est un des meilleurs choix pour vous « vider » et profiter d’une décharge d’endorphines garantie. Courez pour expier toutes vos émotions négatives. Courez, épuisez-vous, et recevez la gratification chimique qui vous éloignera quelques heures de vos soucis. C’est mieux que d’autres exutoires qui détruisent votre santé…

Regarder le mal dans les yeux, et digérer

Un autre conseil que je peux vous donner, c’est de prendre 20 à 30 minutes par jour (au début) pour méditer en pleine conscience.

Au lieu de fermer les yeux et de vous laisser partir, ancrez-vous dans l’instant.

Installez-vous au calme, gardez les yeux ouverts et fixez un point.

Formulez dans votre esprit la raison de votre mal-être.

Énoncez pour vous-même, comme vous feriez pour raconter à un ami, le déroulé des événements.

Insistez sur vos émotions, soyez sincère dans votre représentation mentale.

Assimilez votre état. Regardez-le en face.

Le reste de la journée est là pour vous détourner du problème. Pour rendre le quotidien supportable.

Mais si vous ne faites que ça, si vous occultez absolument ce qui vous mine, vous n’allez pas pouvoir le digérer.

Il restera là, comme un problème non résolu qui viendra se rappeler à vous pendant des mois et vous mettra à chaque fois la tête au fond du seau.

Ce qui est important, c’est d’apprendre à digérer.

Regardez les choses en face, énoncez-les pour vous, prenez du temps pour éprouver toute votre souffrance.

Sans fard, sans détours : souffrez. Souffrez fort 30 minutes par jour, comme pour suer le démon qui vous habite.

Petit à petit, ces séances éprouvantes seront plus faciles à traverser. Et au bout du compte, vous aurez assimilé votre nouvelle réalité :

  • Je dois vivre sans elle
  • Mon ami est mort
  • Je me suis fait licencier et je dois trouver une solution pour faire vivre mes enfants

Vous ne pouvez pas résoudre ou accepter une situation si vous n’arrivez pas clairement à l’identifier.

Tout ce que vous savez ou sentez au niveau inconscient doit passer dans le conscient.

Et seulement là vous apprendrez à guérir.

L’important n’est pas le bonheur, c’est l’œuvre

Quelques mots pour conclure.

Ce n’est pas grave, d’être malheureux. Ça arrive.

Pour en sortir, il ne faut pas chercher le bonheur, car le bonheur est une conséquence plus qu’une destination.

À la fin d’Ainsi parlait Zarathoustra, les compagnons du héros lui demandent s’il est à la recherche de son bonheur.

Il leur répond ainsi : Qu’importe mon bonheur. Il y a longtemps que je n’aspire plus au bonheur. J’aspire à mon œuvre.

C’est le meilleur conseil que je puisse vous donner : créez quelque chose.

Construisez une œuvre.

Même si vous n’êtes pas un artiste, faites quelque chose de votre souffrance : un poème, une statue, une mélodie…

Utilisez-la comme un matériau.

Représentez-là en dehors de votre corps pour l’expier.

Je vais vous faire une confidence : lors d’une séparation, quand j’étais plus jeune, j’ai éprouvé beaucoup de tristesse… mais à mesure que j’en prenais conscience, un curieux sentiment s’est emparé de moi.

J’ai souri et je me suis dit « pense aux belles choses que tu vas écrire, avec une tristesse pareille ».

J’ai suivi mon quotidien d’ascète.

J’ai écrit, et j’ai regardé la souffrance dans les yeux.

Puis j’ai guéri.

Bien cordialement,

Marc

4.5 11 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

25 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Laurent
Laurent
2 années il y a

J’ai vécu un chagrin d’amour qui a duré plus de 2 ans où j’ai cru vraiment que j’allais mourir et mon médecin aussi et maintenant si cette femme me demandait à genoux de revenir vers elle je dirais non car au bout d’un moment le dégoût a fait son travail. j’aurais sûrement arrêté de souffrir plus tôt si j’avais eu accès à votre texte à cette époque. C’était 2ans d’un enfer permanent,je pensais bêtement avoir perdu mon grand amour, mon âme sœur et ma vie n’avait plus de sens . Maintenant je me sens débile d’avoir adulé si fort cette… Lire la suite »

TheBadger
TheBadger
3 années il y a

Beaucoup de vérités – à vrai dire je les vis en ce moment même … (sur la course à pied par exemple)

João Almeida
João Almeida
3 années il y a

Je vous écris de Lisbonne, mais la culture française m’est familière, ayant travaillé au Consulat du Portugal à Lille, dans le Nord, que j’ai appris à connaître et à aimer. Je recevais une dizaine de « newsletters » sur la santé, alimentation, forme physique etc. J’ai renoncé à toutes sauf à la votre.
Merci pour cette lettre. Nous avons tous des ressources cachées pour dépasser les situatuios les plus traumatisantes. Ou mieux, la vie ne désiste pas de nous!
L’important n’est pas la destination, c’est le voyage! Merci. João

Luc Pausiclès
Luc Pausiclès
3 années il y a

Simplement..Bravo..! Et un grand merci. !

Christian
Christian
3 années il y a

Je viens de perdre mon très cher petit frère . C’est un merveilleux conseil que je viens de lire car ma souffrance est immense

Laurent
Laurent
2 années il y a
Répondre à  Christian

Force et courage, recevez mes plus sincères condoléances et soyez sur que même si vous n’êtes pas croyants, je prierai pour que vous trouviez bientôt la paix dans votre cœur ❤soyez bénis 🙏🤜🤛Force et honneur

Olivier LESAFFRE
Olivier LESAFFRE
3 années il y a

Bonsoir Marc,

Je viens de lire les réactions de chacun et celui de Stéphanie. Merci cette lettre me parle étant confronté à tout cela en même temps mais une seule et unique chose nous aide notre énergie intérieur enfouie au fond de nous même et qui nous révèle de grande choses et de grandes forces de réactivité.. Merci pour vos pour tes conseils ils sont tellement évidents mais nous ne sommes pas toujours capable de les voir ou de les mettre en pratique !! Merci sincèrement.

Pierre Dercy
Pierre Dercy
3 années il y a

Salut Marc, J’ignore si ça peut aider tes lecteurs mais, en ce qui me concerne, il y a une chose que je n’ai jamais lâché, c’est l’exercice physique (comme la prière pour certains et la méditation pour d’autres), même avec une fracture ou un ligament arraché, même lors de la perte d’un être cher ou d’une situation de stress post-traumatique: pas question de décrocher, il faut tenir et, le temps aidant, les épreuves passent et renforcent le mental. Le blindage est dans la tête. Même la mort est sans importance. Elle est inscrite dans la vie dès l’instant où tu… Lire la suite »

Adèle
Adèle
3 années il y a

Je lis souvent vos lettres sans les commenter.
Merci pour celle-ci qui m’a beaucoup touchée, les conseils sont si pratiques !
Continuez à nous édifier !

Lynda
Lynda
3 années il y a

Merci infiniment Marc pour tous vos bons conseils! 🙏🏻

Dominique
Dominique
3 années il y a

Bonjour Marc,
Merci beaucoup pour votre sincérité d’abord et pour vos conseils constructifs ensuite. Bravo pour votre travail! Amicalement,
Dom

rené METTEY
rené METTEY
3 années il y a

« il m’est arrivé de passer des semaines à me documenter sur les états de conscience altérée, les expériences de mort imminente, la neurologie… »
Si ce sujet vous passionne, vous pouvez aller sur mon blog http://www.rene-mettey.fr lire les extraits de mon ouvrage « les énigmes de la conscience » aux chapitres des NDE etc.
je peux même vous l’adresser gracieusement… (il m’en reste des tas d’exemplaires, le COVID ayant interrompu les séances de signatures, conférences et dédicaces où j’en vendais plus qu’en librairies) !)

Maryse Groussin
Maryse Groussin
3 années il y a

Merci beaucoup Marc pour votre lettre ! Tant de choses de ce que vous dites font écho en moi !
Merci encore et à bientôt pour une autre de vos belles lettres qui nous font grandir et avancer !
Maryse

JMX.
JMX.
3 années il y a

Parfois difficile à réaliser, mais de bons conseils !! Merci. JMX.

Eric
Eric
3 années il y a

Merci infiniment Marc,

Parfois quand on est au bord du gouffre et que l’on ne voit pas d’issues, c’est un don du ciel de pouvoir trouver quelqu’un qui peut nous apporter des chemins à explorer pour traverser les tempêtes.

Merci,

Rick.

Michel
Michel
3 années il y a

Bonjour,
Très beau tout ce qui est dit et très vrai.
Un brin de philosophie fait tellement de bien mais hélas !!!
Merci.

Andrea
Andrea
3 années il y a

Bonjour, très beau résumé ta dernière lettre, qui fait de toi – semble-t-il – un être éclairé…Merci!

Smolders
Smolders
3 années il y a

Bonjour, très belle lettre dont beaucoup de personnes pourraient s’en inspirer !
Je vais conserver ce mail.
Merci à vous.

chris
chris
3 années il y a

« Il faut accepter l’impermanence des choses » la phrase qui m’a sorti de la dépression il y a 20 ans et qui dirige toujours ma vie. Un petit extrait lu ce matin ,du pouvoir du moment présent,rien que pour vous :  » Quelqu’un vous dit quelquechose de grossier ou destiné à vous blesser ? Laissez ses paroles passer à travers vous au lieu de vous mettre en mode réactif négatif et inconscient.Agressivité,défensive,ou retenue, laissez aller tout cela. N’offrez aucune résistance à ce qui est proféré, comme s’il n’ y avait plus personne à blesser. Le pardon, c’est ça. De cette façon,… Lire la suite »

Stéphanie
Stéphanie
3 années il y a
Répondre à  chris

Bonjour,

Je vis la dépression depuis des années et je m’en sors pas.

Aujourd’hui, je suis dans un état tel que je pense mettre fin à ma vie.

De beaucoup de combats et de chutes, je me suis toujours relevée mais là, j’y arrive plus.

Je suis depuis plusieurs jours chez moi, cloîtrée dans le noir.

Plus rien ne me dit. Je me lève plus, je m’alimente quasiment plus.

Je suis noyée et seule….

Sortir de la dépression, un combat de titan. Vous avez mon respect.

Bien à vous.

Stéphanie

dominique rouault
dominique rouault
3 années il y a

Tu m’as mouché encore plus de dab ! là !

Tulinieri
Tulinieri
3 années il y a

Bonjour,
Je souffre actuellement à cause dune separation, et j´attends vos livres
avec impatience pour suivre vos indications.
Quien pensez vous que je recevrai vos livres
Merci
A bientôt
Jean Pierre

Christophe PINEL-OPPITZ
Christophe PINEL-OPPITZ
3 années il y a

Merci beaucoup Marc ce sont des phrases qui aide à avancer ça fait du bien de les entendre et je vais essayer de les mettre en application merci beaucoup ça remonte bien le moral en ce début de matinée merci beaucoup bien cordialement. Christophe Pinel-Oppitz

Quentin Flore
Quentin Flore
3 années il y a

Merci beaucoup Marc pour tes excellents conseils D’accord à 100% avec toi Je vais les adopter et adapter À bientôt pour la suite Flore

Recevoir les 8 conseils de Marius