Ce qui ne tue pas ne rend PAS plus fort

Réflexion sur l’antifragilité

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Cher lecteur, 

Ce qui ne tue pas rend plus fort.

C’est Nietzsche qui le dit, dans son Crépuscule des idoles (1888).

Vous vous en doutez : sur le principe, je suis en phase avec l’idée. 

Mais je suis surtout partisan du réel – et le réel, c’est quand on se cogne. 

Et le problème, c’est que l’idée de Nietzsche se cogne aux faits, aux chiffres, à la réalité.

Connaissez-vous le syndrome de sensibilité centrale ?

Ceux qui en souffrent peuvent témoigner : ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort. 

Le syndrome de sensibilité centrale est un dysfonctionnement du système nerveux. 

Il survient suite un choc important : 

  • Traumatisme
  • Amputation
  • Lésion de la moelle épinière
  • AVC
  • Sclérose en plaques
  • Maladie de Parkinson
  • Épilepsie
  • Accident de la route
  • Trouble immunitaire

Ce syndrome augmente la sensibilité à la douleur de ceux qui en sont atteints. Le corps et le cerveau deviennent hypersensibles aux influx nerveux (froid, chaud, douleurs, démangeaisons…). 

Il induit une réaction physique exagérée, c’est-à-dire une douleur supérieure à ce qu’éprouvent les gens qui n’en sont pas atteints et qu’on expose au même stimulus.

Parmi les autres symptômes, on trouve des nausées, une hypertension chronique, de l’hyperventilation, des crises aigües ou des douleurs chroniques, des courbatures…

Le syndrome de sensibilité centrale touche plusieurs millions de personnes dans le monde, avec une incidence comparable à la maladie de Parkinson. 

En clair : si vous avez survécu à un violent accident de voiture, vous n’êtes certainement pas « plus fort ». Au contraire : il est probable que vous en sortiez plus fragile

« C’est dans la tête » : l’expérience du stress post-traumatique

Bien sûr, vous pourriez me dire que « ce qui ne tue pas rend plus fort » est à prendre au sens figuré

Que c’est dans la tête qu’on se renforce. 

Prenons quelques chiffres pour mesurer cet effet. 

Si vous ne connaissez pas le syndrome de stress post-traumatique, voici une brève définition : 

Le stress post-traumatique est un trouble anxieux sévère qui survient suite à une expérience vécue comme traumatisante, avec une confrontation à des idées de mort. 

Il provoque de nombreux symptômes persistants : évitement de discussions ou situations qui rappellent le traumatisme, flash-backs récurrents, cauchemars, hypervigilance, insomnie, paranoïa, dépression, indifférence émotionnelle, idées suicidaires, troubles du comportement alimentaire et de la personnalité… 

Ultimement, ce syndrome peut s’accompagner d’addictions comme l’alcoolisme, du développement d’une démence type Alzheimer, et de l’apparition de maladies psychiatriques graves. 

Ce syndrome est répandu chez tous ceux qui ont vécu des épreuves atroces : 

  • 15% des militaires français déployés sur les théâtres d’opérations
  • 25% des enfants exposés aux violences familiales
  • 60 à 80% des victimes de viol
  • Jusqu’à 12% de la population de certains pays pauvres

En clair : vivre des expériences traumatisantes ne vous nourrit pas après coup.

Si on vous traumatise, vous êtes… traumatisé. Point barre. 

Alors, « ce qui ne tue pas rend plus fort », c’est de l’arnaque ? 

Ce n’est pas ce que je dis.

L’objet de mon message est de soumettre une croyance populaire à l’épreuve des faits.

La réalité, c’est que vous ne savez pas ce qui va vous tomber dessus… et vous ne savez pas comment vous allez réagir.

Pensez à Bardamu, dans Voyage au bout de la nuit : il s’engage dans l’armée avec enthousiasme, et en ressort marqué à vie, traumatisé au-delà de ce qu’il avait pu imaginer. « On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté », dira-t-il dès les premières scènes de guerre.

C’est le cœur du problème : ce qui ne vous tue peut vous faire beaucoup de mal si vous n’y êtes pas préparé. 

Il y a des choses auxquelles on ne se prépare pas : la guerre, le viol, la torture, la mort de certaines proches… 

Mais il existe des techniques pour vous renforcer par anticipation face à de nombreuses épreuves de la vie. 

Ces techniques permettent d’éviter certains traumatismes, d’en atténuer d’autres. 

D’une manière générale, il est toujours utile d’épaissir un peu son cuir pour éviter d’avoir mal à la moindre épreuve.

Devenez antifragile !

Connaissez-vous le contraire de la fragilité ? 

Vous seriez tenté de me parler de résistance, ou de robustesse. Mais non. 

Fragile, c’est ce qui s’altère ou se détruit suite à un choc. 

Robuste, c’est ce qui ne varie pas suite à un choc.

Le vrai contraire de fragile, c’est antifragile

Un mot qui n’existe pas encore dans le dictionnaire (mon logiciel de traitement de texte le souligne toujours en rouge)… Mais qui a été largement théorisé, notamment par Nassim Taleb dans son livre Antifragile : les bienfaits du désordre.

Antifragile, c’est ce qui se renforce suite à un choc. 

L’allégorie parfaite de l’antifragilité, c’est l’Hydre de Lerne 

Vous vous souvenez de ce mythe grec ? 

À chaque fois qu’on coupe une tête à l’hydre, 2 autres repoussent. 

C’est ça, l’antifragilité : le monstre devient plus fort quand on le blesse.

Malheureusement, si on vous coupe la tête, ça ne risque pas de repousser… Mais il y a de nombreuses habitudes qui peuvent vous rendre antifragile.

La musculation est antifragile

Vous connaissez le principe de la musculation.

En soumettant les muscles à une charge, ils se détériorent, et les microtraumatismes du tissu musculaire génèrent une réaction anabolique : les facteurs de croissance s’activent pour reconstruire le muscle en plus gros, afin qu’à l’avenir, il résiste à ce genre de traumatisme.

C’est un mécanisme antifragile : le corps se renforce suite à une blessure. 

C’est un exemple qui me permet d’attirer votre attention sur un principe essentiel à l’exercice sain de votre antifragilité : la progressivité.

On ne commence pas la musculation avec des barres de 100 kilos. 

L’antifragilité fonctionne car il s’agit de microtraumatismes – des traumatismes que votre corps peut gérer. 

Si vous y allez trop fort d’emblée, vous risquez juste de vous blesser au niveau musculaire, osseux et articulaire. 

C’est pour cette raison que les traumatismes ne vous rendent pas nécessairement plus fort : puisque vous ne les choisissez pas, vous ne pouvez pas les « doser » pour qu’ils vous rendent plus fort.

Pour les traumatismes comme pour le reste, c’est la dose qui fait le poison.

Développer un mental antifragile

La musculation est un exercice antifragile sur le plan physique. 

Mais comment renforcer son mental pour mieux résister aux traumatismes émotionnels ? 

Il existe de nombreuses méthodes.

J’ai déjà parlé de la cohérence cardiaque. Cette technique permet de gérer votre stress grâce à une respiration qui harmonise les battements de votre coeur. 

Ce retour à la normale de la fonction cardiaque permet de diminuer votre taux de cortisol, l’hormone du stress. 

Dans le même esprit, de nombreuses techniques de préparation mentale peuvent vous aider à garder la tête froide dans des situations difficiles : 

  • La visualisation (utilisée par les forces spéciales britanniques, entre autres)
  • La méditation et le mindfulness
  • La thérapie par le rejet (pour atténuer ses angoisses)
  • Les power poses et le travail sur la confiance en soi
  • La « technique de l’hélicoptère » des Marines américains

Si vous voulez apprendre ces techniques et vous construire un mental à toute épreuve, vous pouvez découvrir mon livre Mental d’acier : 17 clés pour reprendre le contrôle (surveillez bien votre boîte mail !)

Bien cordialement, 

Marc

PS : il y a beaucoup à dire sur cette idée. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me laisser un commentaire et j’en reparlerai prochainement.

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Leïla
Leïla
2 années il y a

Très juste! Le SSPT est quelque chose de très handicapant dans la vie quotidienne, et si en plus il y a amnésie traumatique, c’est encore plus complexe à soigner. Le sport m’aide énormément, il a un effet miroir pour ma conscience et la connaissance de mon Etre. L’Art est venu d’instinct dans mon existence, je pense que de définir les règles de mon territoire d’activité avait une valeur suprême pour moi. C’est ce que je pense à postériori. Je n’aurais pas pu fonctionner autrement que sur ce mode-là. Tout cela est PRO LA VIE comme j’aime à le dire!

MICHEL GARCIA
MICHEL GARCIA
3 années il y a

Bonjour Marc,
Je souhaite acheter votre livre « Mental d’acier » 17 clés pour reprendre le contrôle,
Pouvez-vous m’indiquer comment procéder je vous prie ?
Merci et félicitations pour vos messages remplis de bons conseils,
Un salut a tous et belle journée

Réjane
Réjane
3 années il y a

Bonjour Marc,
J’aime bien ce mot antifragile et votre façon de le présenter.
Merci pour vos lettres que je lis toujours avec beaucoup d’intérêt.
Belle journée à vous et à tous vos lecteurs

Jean Hennequin
Jean Hennequin
3 années il y a

Merci beaucoup, Marc, pour toutes ces saines réflexions et ces excellents conseils. Je vous lis toujours avec grand intérêt…sauf si vous me présentez Jack Ma comme un modèle à suivre! Des gens avec un mental de fer, il y en a quand même beaucoup, sans avoir besoin de nous encourager à suivre l’exemple d’un type qui n’a rien de mieux à faire dans la vie que de pomper l’argent des autres. En Chine, les inégalités sociales sont criantes, alors pourquoi nous proposer l’exemple d’un type comme lui qui les exacerbe? Bien qu’il soit toujours délicat de proposer des candidats à… Lire la suite »

Yves Keruel
Yves Keruel
3 années il y a

Si on vous traumatise, vous êtes… traumatisé. Point barre.
Vraiment ? Je vous suggère de lire le dossier de la revue « Cerveau et psycho » n°126, de septembre 2020 : « Grandir malgré les épreuves : les promesses de la croissance post-traumatique« . Il y est précisé que les traumatismes bouleversent les repères de 50% des individus. Ils sont facteurs de souffrance, mais provoquent aussi une réorganisation de la personnalité sur une vie plus sincère et plus consciente ! Par exemple, changer de métier pour mieux se réaliser ! Impressionnant je trouve !

Leïla
Leïla
2 années il y a
Répondre à  Yves Keruel

Cela dépend à quel âge et à quel niveau d’ évolution du cerveau l’expérience traumatique arrive dans la vie d’un être humain. Un enfant violé gardera des séquelles plus encore si cela provient de la sphère intra familiale. 90% du âge de 5 ans.cerveau se structure avant l’

Leo
Leo
3 années il y a

Il y a un mot pour ça en fait : la Résilience.
Voir les travaux de Boris Cyrulnik (les vilains petits canard, 2001)

De rien 😉

Marie-Hélène Oliete
Marie-Hélène Oliete
3 années il y a

Merci pour cette lettre, très intéressant.

Anas Rusi Hasani
Anas Rusi Hasani
3 années il y a

Bonjour
Un gd merci pour ts vos conseils. Le sujet « antifragile » m’intéresse vraiment. Merci

Valérie
Valérie
3 années il y a

Bonjour Marc Bien qu’etant une femme ne pratiquant pas la musculation, je lis vos lettres avec intérêt car on y trouve multitude d’informations sur la santé et le bien-être. Merci d’avoir abordé ce thème, car effectivement, le SSPT est une maladie sérieuse et cette croyance sur le renforcement de la force après un choc emotionnel rend encore plus difficile la guérison. Effectivement, la personne atteinte de SSPT se sent coupable de ne pas faire face à ses symptômes et en a honte. Pour ma part, le SSPT est apparu plusieurs années après le choc, et je m’en suis sortie avec… Lire la suite »

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